Les cahiers du DD – outil complet

153_zone urbaine(8)

IV.
LE SOL ET
LES ASPECTS ÉCONOMIQUES

Avec les énergies et l’eau, les sols sont, déjà aujourd’hui, et seront encore plus demain, au coeur des enjeux économiques et géostratégiques.
La raréfaction des terres arables augmente la pression sur les surfaces agricoles existantes. À cela s’ajoute que l’affectation des sols joue un rôle essentiel dans la question climatique : à la fois comme puits de carbone lorsqu’il est utilisé pour replanter des forêts ou lorsque les cultures sont utilisées dans des unités de biométhanisation, des centrales thermiques ou les usines d’agrocarburants pour y produire du gaz, de l’électricité ou des carburants.
Cela fait augmenter le prix des terres agricoles, et par conséquent, le prix des matières premières (aliments et autres) cultivées, mais aussi des terrains à bâtir.

On constate d’ailleurs, depuis la crise alimentaire de 2008, un phénomène nouveau : des multinationales ou des états riches qui investissent dans l’achat ou la location à très long terme de terres arables dans les pays du Sud.

Ainsi, par exemple, la Chine a acquis 2,8 millions d’hectares au Congo pour aménager la plus vaste plantation de palmiers à huile au monde et la société indienne Varun International a loué 465 000 hectares de terre à Madagascar pour cultiver du riz qui sera exporté vers l’Inde. La société sud-coréenne Daewoo Logistics, pour sa part, a négocié en 2008 un accord pour louer, pendant 99 ans, 1,3 million d’hectares de terres arables à Madagascar (soit une superficie grande comme environ la moitié de la Belgique), pour y planter du maïs et des palmiers à huile, et ce, alors que l’île de Madagascar peine à couvrir les besoins alimentaires de sa propre population.

D’après un rapport de l’ONU, les achats de terres cultivables s’accélèrent dans le monde. Depuis 2006, les investisseurs étrangers ont acquis près de 20 millions d’hectares de terres arables dans les pays en voie de développement.
Les terres les plus recherchées sont situées à proximité de ressources en eau qui peuvent ainsi être irriguées par des infrastructures dont le coût est relativement bas, et celles proches des marchés afin de pouvoir facilement exporter la production. Le Cameroun, l’Éthiopie, le Congo, Madagascar, le Mali, la Somalie, le Soudan, la Tanzanie et la Zambie sont les principaux pays ciblés en Afrique subsaharienne. Certains pays d’Europe Centrale, d’Asie et d’Amérique latine, dont le Brésil, le Cambodge, l’Indonésie, le Kazakhstan, le Pakistan, la Russie ou l’Ukraine, sont également visés.

Ce mécanisme est principalement utilisé par des investisseurs privés et les fonds d’investissement, qui, convaincus que le prix du mètre carré comme celui des matières premières agricoles continueront d’augmenter, achètent ces terres pour des raisons purement spéculatives.
À cela s’ajoute que l’exploitation des terres se fait souvent dans des conditions nondurables pour la population locale et l’environnement : expulsion ou expropriation des paysans ou des pasteurs qui vivent de ces terres (mais qui souvent ne détiennent pas de titres de propriété), non-respect du droit à l’alimentation de la population locale, travail forcé ou travail des enfants dans les plantations, normes de santé et de sécurité insuffisantes, déforestation, épuisement des réserves d’eau, recours massifs aux pesticides, etc.