APPEL DE PARIS ET REACH
I.
L’Appel de Paris (Déclaration
internationale sur les dangers
sanitaires de la pollution chimique)
Le 7 mai 2004 à l’UNESCO se sont réunis des scientifiques et des organisations non gouvernementales, lors du colloque « CANCER, ENVIRONNEMENT ET SOCIÉTÉ » organisé par l’ARTAC (Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse). De cette union est né l’Appel de Paris, Déclaration historique sur les dangers sanitaires de la pollution chimique.
Dans ce mémorandum, 68 experts internationaux appellent l’ensemble des États membres de l’Union européenne à mettre la préservation de la santé et de l’environnement au cœur de toutes politiques publiques, afin de préserver la santé des Enfants et celle des générations futures. Ils proposent 164 recommandations et mesures qui concernent les maladies principalement liées à la pollution chimique : cancers, stérilité, malformations congénitales, obésité, maladie du système nerveux, allergies, etc.
Selon cet appel, le concept de développement durable, axé sur la préservation des ressources terrestres pour satisfaire les besoins des générations futures est insuffisant. Il faut lui adjoindre le concept de santé durable, qui a pour objectif de préserver la santé des générations futures et pour cela, de mettre le développement économique au service de la santé des citoyens et non comme c’est le cas, aujourd’hui, les citoyens et leur santé au service du développement économique.
Voici le texte du mémorandum :
§1. Considérant que la situation sanitaire se dégrade partout dans le monde ; que cette dégradation, bien que de nature différente, concerne aussi bien les pays pauvres que les pays riches ;
§2. Considérant que se développent des maladies chroniques recensées par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), en particulier des cancers ; que l’incidence globale des cancers augmente partout dans le monde ; qu’en ce qui concerne les pays fortement industrialisés, l’incidence des cancers est globalement croissante depuis 1950 ; que les cancers touchent toutes les tranches d’âge, aussi bien les personnes âgées que les personnes jeunes ; que la pollution chimique, dont l’amplitude exacte est encore inestimée, pourrait y contribuer pour une part importante ;
§3. Considérant que l’exposition à certaines substances ou produits chimiques provoque une augmentation du nombre de certaines malformations congénitales ;
§4. Considérant que la stérilité, en particulier masculine, qu’elle soit ou non la conséquence de malformations congénitales ou liée à une diminution de la qualité et/ou de la concentration en spermatozoïdes dans le sperme humain est en augmentation, notamment dans les régions fortement industrialisées ; qu’aujourd’hui, dans certains pays d’Europe, 15 % des couples sont stériles ; que la pollution chimique peut être une des causes de stérilité ;
§5. Constatant que l’Homme est exposé, aujourd’hui, à une pollution chimique diffuse occasionnée par de multiples substances ou produits chimiques ; que cette pollution a des effets sur la santé de l’Homme ; que ces effets sont très souvent la conséquence d’une régulation insuffisante de la mise sur le marché des produits chimiques et d’une gestion insuffisamment maîtrisée des activités économiques de production, consommation et élimination de ces produits ;
§6. Constatant que ces substances ou produits sont de plus en plus nombreux : Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), dérivés organo-halogénés dont les dioxines et les PolyChloroBiphényles (PCB), amiante, métaux toxiques dont ceux qualifiés de métaux lourds comme le plomb, le mercure et le cadmium, pesticides, additifs alimentaires et autres ; que certains de ces produits ne sont pas ou peu biodégradables et persistent dans l’environnement ; qu’un grand nombre de ces produits contaminent l’atmosphère, l’eau, le sol et la chaîne alimentaire ; que l’Homme est exposé en permanence à des substances ou produits toxiques persistants lesquels incluent les Polluants Organiques Persistants (POPs) ; que certaines de ces substances ou produits s’accumulent dans les organismes vivants, y compris dans le corps humain ;
§7. Considérant que la plupart de ces substances ou produits sont actuellement mis sur le marché sans avoir fait l’objet au préalable et de façon suffisante de tests toxicologiques et d’estimation des risques pour l’Homme ;
§8. Considérant que ces nombreuses substances ou produits chimiques contaminent de façon diffuse l’environnement ; qu’elles peuvent interagir les unes avec les autres et exercer des effets toxiques additionnels et/ou synergiques sur les organismes vivants ; qu’il est dès lors devenu extrêmement difficile d’établir au plan épidémiologique la preuve absolue d’un lien direct entre l’exposition à l’une et/ou l’autre de ces substances ou produits et le développement des maladies ;
§9. Considérant qu’au plan toxicologique, un certain nombre de ces substances ou produits chimiques sont des perturbateurs hormonaux, qu’ils peuvent être cancérigènes, mutagènes et/ou reprotoxiques (CMR) chez l’Homme, ce qui signifie qu’ils sont susceptibles d’induire des cancers, des malformations congénitales et/ou des stérilités ; que certaines de ces substances ou produits peuvent être en outre allergisants, induisant des maladies respiratoires, telles que l’asthme ; que certains d’entre eux sont neurotoxiques, induisant des maladies dégénératives du système nerveux chez l’adulte et une baisse de quotient intellectuel chez l’Enfant ; que certains sont immunotoxiques, induisant des déficits immunitaires, en particulier chez l’Enfant et que ces déficits immunitaires sont générateurs d’infections, en particulier virales ; que les pesticides sont répandus volontairement en grande quantité dans l’environnement alors qu’un grand nombre d’entre eux sont des polluants chimiques toxiques pour l’animal et/ou pour l’Homme et l’environnement ;
§10. Considérant que les enfants sont les plus vulnérables et les plus exposés à la contamination par ces polluants ; qu’un grand nombre de ces substances ou produits toxiques traversent la barrière placentaire et contaminent l’embryon ; qu’ils se concentrent dans le tissu graisseux et se retrouvent dans le lait des mères qui allaitent ; qu’en conséquence le corps de l’Enfant présente le risque d’être contaminé dès la naissance ; que de surcroît, l’Enfant peut ingérer ces substances ou produits et/ou inhaler un air pollué par eux, en particulier dans l’habitat ;
§11. Considérant que ces substances ou produits polluants peuvent induire chez l’Enfant des maladies dont celles citées au §9 ; qu’en particulier, un enfant sur sept en Europe est asthmatique, que l’asthme est aggravé par la pollution des villes et des habitations ; que l’incidence des cancers pédiatriques est croissante depuis ces 20 dernières années dans certains pays industrialisés ; qu’il résulte de ces considérations que l’Enfant est, aujourd’hui, en danger ;
§12. Considérant que l’Homme est un mammifère consubstantiel à la flore et à la faune environnante ; qu’il est à l’origine de la disparition de plusieurs milliers d’espèces chaque année ; que toute destruction ou pollution irréversible de la flore et de la faune met en péril sa propre existence ;
§13. Considérant que la Déclaration de Wingspread du 28 juillet 1991 signée par 22 scientifiques nord-américains établit un lien entre la disparition d’espèces animales, sauvages ou domestiques et la contamination de l’environnement par certains de ces produits chimiques ; que l’Homme est exposé aux mêmes produits que les espèces animales sauvages ou domestiques ; que ces produits ont provoqué chez ces espèces animales des maladies (malformations congénitales, stérilités) ayant entraîné leur disparition et que ces maladies sont comparables à celles observées, aujourd’hui, chez l’Homme ;
§14. Considérant que la pollution chimique sous toutes ses formes est devenue l’une des causes des fléaux humains actuels, tels que cancers, stérilités, maladies congénitales, etc. ; que la médecine contemporaine ne parvient pas à les enrayer ; que malgré le progrès des recherches médicales, elle risque de ne pas pouvoir les éradiquer ;
§15. Considérant, en outre, que la pollution par émission des gaz à effet de serre provoque sans conteste une aggravation du réchauffement planétaire et une déstabilisation climatique ; que selon les prévisions scientifiques les moins pessimistes, en 2100, la température moyenne de la Terre risque d’augmenter de trois degrés centigrades ; que cette augmentation de température sera susceptible de favoriser la prolifération des virus, bactéries, parasites et vecteurs de ces agents infectieux ; que par conséquent, l’extension de leur niche écologique de l’hémisphère sud à l’hémisphère nord sera susceptible d’entraîner l’extension des maladies qu’ils induisent et la réapparition dans les pays du Nord de maladies infectieuses et/ou parasitaires partiellement jugulées au siècle dernier, voire l’apparition de nouvelles maladies ;
Nous, scientifiques, médecins, juristes, humanistes, citoyens, convaincus de l’urgence et de la gravité de la situation, déclarons que,
- Article 1 : Le développement de nombreuses maladies actuelles est consécutif à la dégradation de l’environnement
- Article 2 : La pollution chimique constitue une menace grave pour l’Enfant et pour la survie de l’Homme
- Article 3 : Notre santé, celle de nos enfants et celle des générations futures étant en péril, c’est l’espèce humaine qui est elle-même en danger.
Nous appelons les décideurs politiques nationaux, les instances européennes, les organismes internationaux, en particulier l’Organisation des Nations Unies (ONU), à prendre toutes les mesures nécessaires en conséquence et, en particulier :
Mesure 1 : Interdire l’utilisation des produits dont le caractère cancérigène, mutagène ou reprotoxique (CMR) est certain ou probable chez l’Homme tel qu’il est défini par les instances ou organismes scientifiques internationaux compétents et leur appliquer le principe de substitution ; exceptionnellement, lorsque la mise en œuvre de ce principe est impossible et que l’utilisation d’un produit concerné est jugé indispensable, restreindre son utilisation au strict minimum par des mesures de contingentement ciblé extrêmement rigoureuses
Mesure 2 : Appliquer le principe de précaution vis-à-vis de tous produits chimiques pour lesquels, en raison de leur caractère toxique autre que celui défini dans la mesure 1 (voir §9 et 13) ou de leur caractère persistant, bioaccumulable et toxique (PBT) ou très persistant et très bioaccumulable (vPvB), tels que définis internationalement, il existe un danger présumé grave et/ou irréversible pour la santé animale et/ou humaine et de façon générale pour l’environnement, sans attendre la preuve formelle d’un lien épidémiologique, afin de prévenir et d’éviter des dommages sanitaires ou écologiques graves et/ou irréversibles
Mesure 3 : Promouvoir l’adoption de normes toxicologiques ou de valeurs seuils internationales pour la protection des personnes, basées sur une évaluation des risques encourus par les individus les plus vulnérables, c’est-à-dire les enfants, voire l’embryon
Mesure 4 : En application du principe de précaution, adopter des plans à échéance programmée et objectifs de résultat chiffrés, afin d’obtenir la suppression ou la réduction strictement réglementée de l’émission de substances polluantes toxiques et de l’utilisation de produits chimiques mis sur le marché, tels que les pesticides sur le modèle de réduction d’utilisation de la Suède, du Danemark ou de la Norvège
Mesure 5 : En raison des menaces graves qui pèsent sur l’humanité, inciter les États à obliger toute personne publique ou privée à assumer la responsabilité des effets de ses actes ou de ses carences à agir, et lorsque cette responsabilité n’est pas du ressort d’un État, faire relever celle-ci d’une juridiction internationale
Mesure 6 : S’agissant du réchauffement planétaire et de la déstabilisation climatique, cette responsabilité implique l’obligation pour les États de mettre en œuvre des mesures fortes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sans attendre la mise en application effective du protocole de Kyoto
Mesure 7 : Concernant l’Europe, renforcer le programme REACH (Registration, Evaluation and Authorisation of CHemicals) de régulation de la mise sur le marché des produits chimiques de façon, notamment à assurer la substitution des plus dangereux pour l’Homme par des alternatives moins dangereuses et concernant le monde, adopter une réglementation internationale de régulation de la mise sur le marché des produits chimiques sur le modèle du programme REACH dans une version renforcée.
Plus d’infos ?
> ARTAC (Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse)
L’Appel de Paris est un document de référence pour les instances européennes. Aujourd’hui, plusieurs centaines de scientifiques internationaux, près de 1 000 ONG et environ 200 000 citoyens ont apporté leur signature à l’Appel. Il est signé par le Conseil national de l’Ordre des médecins ainsi que par l’ensemble des conseils nationaux de l’Ordre des médecins et syndicats médicaux des 25 États membres de l’Union européenne regroupés au sein du Comité permanent des médecins européens représentatif des deux millions de médecins européens.
II.
REACH
(« Registration, Evaluation and
Autorisation of CHemicals »)
Il est très difficile de déterminer les dangers liés à un produit chimique. Environ 100 000 substances chimiques différentes sont utilisées en Europe. Selon des estimations de l’Organisation Greenpeace, uniquement 5 % de ces substances ont été testées par rapport à leurs conséquences sur la santé humaine et sur l’environnement. Pour 95 % des substances subsiste, donc, une grande incertitude en ce qui concerne leurs effets.
Pour pallier ce manque d’information, la Commission européenne a adopté un règlement le 18 décembre 2006. Ce nouveau système est dénommé REACH, de l’anglais « Registration, Evaluation and Autorisation of CHemicals ». Il s’agit d’un système unique d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation des substances chimiques pour l’ensemble des pays de l’Union européenne.
REACH a prévu une évaluation progressive de toutes les substances chimiques, produites ou importées, existantes ou nouvelles, à partir d’un volume annuel supérieur à une tonne. Ce qui signifie que 30 000 substances parmi les plus de 100 000 utilisées en Europe, seront soumises à des tests et enregistrées progressivement dans les années qui viennent.
Les produits concernés par REACH sont les substances*, les préparations*, les substances contenues dans les préparations et dans les articles*. Il y a, donc, de fortes chances que chaque entreprise sera tôt ou tard en contact avec ce règlement.
Un peu de vocabulaire …
- Une substance est un élément chimique (soit naturel, soit fabriqué), y compris tout additif et/ou toute impureté (par exemple, le white spirit ou l’acétone)
- Une préparation est une solution ou un mélange composé de deux substances ou plus. Par exemple, les peintures, les colles, etc.
Donc, ce que nous appelons produit chimique dans le langage courant est, soit une substance, soit une préparation. - Une substance contenue dans une préparation (par exemple, le solvant dans la peinture ou dans la colle).
- Un article est un objet (par exemple : un ordinateur ou une chaise de bureau qui contiennent des retardateurs de flammes, un jouet qui contient des phtalates, etc.).
Le règlement REACH comprend les aspects suivants :
Plus d’infos sur REACH ?
> echa.europa.eu (Agence européenne des produits chimiques)
> www.essencia.be (site de la Fédération des secteurs d’activités de la chimie et des sciences de la vie.
> economie.fgov.be (helpdesk du SPF économie)
Plus d’infos sur les substances dangereuses ?
> http://echa.europa.eu (Agence européenne des produits chimiques) > FEIS (Forum d’échange d’informations sur les substances)
- Chaque entreprise qui produit ou importe plus d’une tonne par an d’une substance chimique dans l’Union européenne, est obligée de faire une déclaration (communication d’un dossier) auprès d’une Agence européenne.
- Les producteurs et importateurs sont responsables des données et de l’évaluation des risques associés aux usages identifiés dont font l’objet ces produits.
- Les dossiers et les substances elles-mêmes sont évalués afin de s’assurer que les industries respectent leurs obligations.
- Un régime d’autorisations est nécessaire pour certaines substances « extrêmement préoccupantes » qui pourraient faire l’objet d’une restriction de production.
L’Agence européenne des produits chimiques (European CHemical Agency – ECHA) gère les procédures d’enregistrement, d’évaluation, d’autorisation et de restriction relatives aux substances chimiques afin d’assurer la cohérence au niveau de l’Union européenne. Son siège est à Helsinki, en Finlande.